Elle est munie de quatre roulettes pour permettre des déplacements avant/arrière ainsi que des rotations sur elle-même. De taille suffisamment grande pour que je puisse me glisser à l’intérieur en position assise (1m50 x 1m30), elle est ajourée en son centre, ne laissant entrevoir que mes pieds pour avancer, tourner, freiner.
Elle est recouverte de circuits imprimés et de rétroviseurs disposés tout autour, de façon à renvoyer la lumière extérieure.
Ce dispositif me permet d’observer sans être vue, d’épier les mouvements autour de moi, de me diriger. A l’intérieur, déguisée en ‘’Dark Vadur’’, je dispose de petites radios qui émettent des interférences, des ondes brouillées ; de 2 talkie-walkies ; de craies blanches ; de cassettes VHS ; de menottes, d’une matraque (en plastique), d’un sifflet.
Concentrée sur les sons extérieurs, l’idée est de collecter et transposer les bruits, capturer l’environnement sonore de la rumeur diffuse de la ville, comme le chroniqueur de ces bruits parasites : retranscrire ces mêmes sons en les amplifiant à l’aide des talkie-walkie ; noter au sol quelques unes des observations par un traçage au sol à l’aide de craies. (Malheureusement il pleut ce jour là, ce qui rend le terrain difficilement praticable).
Je poursuis mes déplacements autour du carrefour avec un trafic important… Empruntant les passages piétons, je fais des allers-venues. Ma capsule se retourne, je risque à plusieurs reprises de me faire écraser.
Puis, approchant un groupe de spectateurs, je sors de ma capsule en chantant, hurlant cet air mythique de « la guerre des étoiles ».
Munies de cassettes VHS, je les éclate avec violence contre une barrière. Récupérant la bobine magnétique, je la déroule en tournoyant avec empressement autour du groupe : comme pour les faire otages.
Les panneaux de circulations indiquent : République, Directions des douanes, Poste de police… J’escalade le poteau, tentant de ficeler ces indications avec les bandes…
Je cours plus loin, jusqu’au carrefour, laissant s’enrouler la bande magnétique entre les voitures. Sur le passage piéton, sifflant, je tente d’arrêter la circulation des automobiles. Je traverse le passage clouté. Face à moi, un policier. Doutant une demi-seconde qu’il se rapproche pour moi, à sa croisée, je me laisse tomber à ses genoux.
(« Il s’est retourné… Comme bouleversé… », me raconte un spectateur).
Poursuivant ma course, je passe devant une vitrine. Une pancarte m’interpelant, marque brusquement mon arrêt :
ASSURANCE FRONTALIERE.
Je pénètre à l’intérieur. 2 personnes travaillent derrière leur bureau. En face, 5 chaises d’attentes. Je m’assois et me menotte à la chaise.
Surprises dans leur élément, elles m’observent bouches bé. Je les scrute fixement. Impassible.
J’attends mon tour ? Ou est-ce que j’attends mon sort ? Elles restent sans mot dire…
L’arrivée du caméraman va perturber un peu plus cet instant. Réactions :
« Non mais qu’est-ce que c’est encore… ? Qu’est-ce que c’est que ces conneries… ! ? C’est pas une aire de jeu là… ? C’est un bureau ! Sortez avec votre caméra… ! On a pas besoin de ça ici… ! »
Là, en même temps qu’elles me disent qu’elles sont en service, elles me menacent d’appeler du renfort…
Elles me montrent en haut dans l’angle du mur, une caméra…
« On est sur surveillance ici… ! »